dimanche 19 février 2017

KONRAD LORENZ 1: les fondements de l'ethologie ( 1978 )

Retour sur mon réductionniste favori, qui - j'ai oublié de le préciser dans le post d'introduction - a quand même reçu le prix Nobel de Physiologie/Médecine... Beaucoup de livres publiés à son actif mais avec beaucoup de redites et de réutilisations des mêmes idées et démonstrations; alors faites comme moi et allez à l'essentiel: Les fondements de l'Ethologie et l'Agression, une histoire naturelle du mal. Le premier pour la base ( voir ce post, donc... ) et le deuxième pour la manière dont il utilise ces bases pour une démonstration éclatante des origines de l'agressivité intra-spécifique ( "man gegen man" dirait Rammstein ) mais aussi de l'amour et de l'amitié...
Pour info: 6 pages de notes sur celui-la et 15 sur l'"agression"... résumées en deux posts.

Allons-y:
L'éthologie c'est l'observation l'étude et la science en général des comportements. Les comportements animaux à l'origine, puis - et malgré les oppositions en tout genre - par extension et pour cause de similarités flagrantes, les comportements humains.
Or qu'est-ce qu'un comportement? C'est une suite de mouvements, une suite logique de mouvements en réponse ou en recherche de stimuli ou de pulsions.
De fait la fonction principale de nos corps est le mouvement. L'inanimé, le minéral, ne produit pas de mouvement par lui-même, le vivant produit, crée du mouvement; que ce soit de la croissance ou du déplacement. Mouvements vers la lumière, mouvements vers la nourriture, vers le partenaire ou les congénères ou encore pour fuir le feu, la chaleur ou le froid... Et à l'autre bout de la longue histoire des comportements, mouvements appris et reproduits, de longues et complexes suites de mouvements: pour draguer, travailler, conduire une voiture, se faire élire ou oublier des pensées perturbantes...
La complexité des comportements que l'on observe dans les sociétés humaines ne doit pas masquer leurs origines très simples et leur subordination encore totale ( conscience et volonté n'y changent rien...) à des règles basiques, d'une causalité et d'une rigidité absolue, mécanique.
Petit pont vers la T.F.: Parce que nous sommes des Formes qui évoluent parmi d'autres Formes; nos cerveaux sont des machines à percevoir et "jouer"mentalement avec les Formes, à imaginer des interactions entre notre Forme et les autres. Dans cet esprit, nos corps sont des machines à mouvements - assemblés en comportements - dans le but unique  de réaliser les interactions planifiées par le cerveau.
p.359-361: "Nos facultés de compréhension ne peuvent saisir que ce qui est transposable sous la forme d'un schéma spatial."
" Tous les mécanismes d'orientation [...] se réfèrent à l'espace et au temps. Nous ne pouvons pas nous représenter d'espace sans nous représenter un mouvement dans cet espace. Un espace sans phénomène se déroulant à l'intérieur est tout aussi inimaginable qu'un phénomène sans espace."
Mécanisme fondamental de la cognition de l'environnement: l'objet et le fond, des formes dans une grande forme...
"Pire" que ça: tout notre langage ne sert à la base qu'à traduire, à rendre, la spatialité de ce qui nous entoure, et à désigner les Formes qui s'y trouvent ( Forme et fond, encore ) et interagissent avec la notre. D'où les doubles sens systématiques entre les adverbes de lieu et d'espace...

Des unicellulaires à nous, les corps vivants produisent toute une hiérarchie de mouvements de plus en plus complexes et de plus en plus soumis à rétroaction. On peut les classer en deux groupes principaux: les mouvements/comportements nécessitant l'acquisition et l'exploitation d'informations ( et donc les organes qui permettent cela...) et ceux nécessitant non seulement cela mais également la mémorisation des informations.
Soit, des plus simples aux plus compliqués:
.L'homéostase: conservation et restauration d'un équilibre "confortable".
.L'excitabilité: réaction violente et automatique à un stimulus donné, sans feedback, jusqu'à épuisement.
.Kinesis: accélération ou ralentissement des mouvements en fonction de l'intensité d'un stimulus donné dans l'environnement.
.Réactions phobiques: évitement des conditions défavorables puis reprise automatique de l'activité normale.
.Topismes/taxies: orientation du mouvement et de l'organisme vers les conditions les plus favorables avec feedback. Exemple: les insectes qui s'orientent vers la lumière.
.Télotaxies: coordination des organes perceptifs et moteurs dans une séquence dont le déroulement est conditionné par des stimuli précis, en fonction de seuils d'activation. Exemple: la mante religieuse ou le chat qui guettent puis bondissent ou frappent.

A la frontière avec les comportements nécessitant la mémorisation d'informations:
.L'orientation dans le temps et l'espace: sur la base de repères cycliques et réguliers de l'environnement, présentant une présence permanente et  des variations graduelles. Exemple: les animaux migrateurs.

Les comportements conditionnés:
La reproduction, la mémorisation et l'apprentissage. Réservé aux animaux supérieurs ( à partir et au dessus des petits mammifères type rongeurs et des oiseaux, probablement inconnus des poissons et reptiles... rappelons que fourmis abeilles et autres insectes sociaux n'"apprennent" rien, ils exécutent des programmes très rigides et n'ont aucun instinct pour l'improvisation. En toute logique, ces branches du règne animal sont apparues avant les autres et n'on pas transcendé leurs limites formelles depuis...)

Et enfin, les comportements volontaires, suites d'actions "conscientes".

Pour résumer cette grille de lecture des Formes par les mouvements produits, on passe de la matière inanimée à la matière vivante régie par des automatismes puis à la matière animée par des instincts et enfin à la matière animée par la pensée.

Voilà pour la hiérarchie des comportements. Passons maintenant aux lois fondamentales qui régissent l'exécution et l'évolution des comportements:
. La relation Forme du corps/besoin de mouvement: celle-là est une hypothèse particulière à Lorenz mais elle semble logique. Les poules sont "faites" pour picorer, les poissons sont "faits" pour nager...en conséquence ils picorent et nagent en permanence. Inversement, aucun humain ne ressentira jamais un "besoin physique" de voler ou nager, parce qu'on est pas fait pour ça à la base... A chaque forme animale - chaque espèce - correspond donc une fréquence et des types de comportements qui lui sont propres. Ces mouvements "préférentiels", expression directe de la Forme des corps, sont impératifs et spontanés; si on les empêche ou les repousse, leur non exécution fini par paralyser le comportement de l'organisme.
Nos corps sont des machines à produire du mouvement et nos cerveaux ont évolué pour rendre ces mouvements efficaces et cohérents, rationnels; c'est la seule raison d'être de l'organe "cerveau".
Très tôt dans l'histoire des Formes - 4 milliards d'années, aux dernières nouvelles - les emboîtements et imbrications des Formes ont produit la Vie, qui a très vite produit le mouvement qui a ensuite produit l'intelligence.
4 milliards sur les 15 de l'Univers, ça peut paraître pas vraiment "tôt"; mais il faut bien comprendre l'emballement, l'accélération du phénomène. La Terre a au plus 5 milliards d'années, les organismes pluricellulaires dans les 2 milliards, les vertébrés supérieurs dans les 0,5 milliard, les grands singes dans les 0,015 milliard - 15 millions d'années - et les hominidés dans les 0,005 milliard...
Nos comportements complexes ne sont pas apparus tels quels et "à partir de rien", la conscience dont nous sommes si fiers et qui nous place sois-disant "au dessus" de toutes les autres formes n'a que 5 millions d'années tout au plus... ( Je pense qu'elle est possiblement beaucoup  "plus jeune" ).
Les probabilités pour que la conscience soit reliée physiquement à un dispositif biologique dans le cerveau - une partie du cerveau qu'on serrait les seuls à posséder - sont au mieux de 50/50... Elles sont entre "0"et "0,5", pas entre "0,5" et "1".
La pensée est le comportement du cerveau, son "mouvement" produit. Notre pensée complexe et sois-disant volontaire a donc dû subir la même évolution du basique au (très) complexe et par paliers, que les comportements du reste du corps.
L'emballement évoqué ne fait pas disparaître pour autant les règles de bases: un corps donné a des "besoins" de mouvements donnés qui dépendent de sa Forme et sont indépendants de son environnement "du moment".
Un exemple: si on valide l'idée que nos modes de vie contemporains se caractérisent par moins d'activité physique et moins de confrontations violentes que ceux de nos ancêtres; on comprend mieux notre "envie" de faire du sport, notre activité sexuelle débordante et les jeux vidéos, la musique ou les films violents...On y reviendra dans le post sur l'"agression".
. La corrélation intensité/réponse: la plus basique et la plus simple, rapidité et intensité de la réponse comportementale sont directement fonction de l'intensité des stimulis déclencheurs.
. La relation inverse fréquence/intensité: plus un mouvement est fréquent moins il est intense et prioritaire.
Les phénomènes de seuil: en dessous d'un seuil donné, un stimulus ne déclenche pas de comportement/réponse alors qu'au dessus, le comportement/réponse devient inévitable, irrépressible.

Corollaires des précédentes: Plus on repousse l'exécution d'un mouvement, plus sa réalisation sera 'intense", le comportement le plus motivé l'emporte toujours sur les autres et le besoin général d'action fait qu'en cas de répression ou d'empêchement. l'action, le mouvement ou les comportements non réalisés se traduisent par des activités de substitution.
En d'autres termes: en cas de blocage d'un comportement majeur ou instinctif, l'organisme - dont le besoin d'action reste constant - choisi de" faire autre chose" plutôt que de ne "rien faire". Et s'oriente ensuite vers les comportements dont les formes - les mouvements - sont les plus proches du comportement "bloqué". Or les comportements liés aux instincts basiques utilisent des "patrons moteurs" proches, soit les mêmes répertoires de mouvements effectués par les mêmes organes; pensez à agression/fuite, agression/nutrition et agression/accouplement.

Combinez la hiérarchie des comportements et les lois auxquelles ils répondent tous et vous obtenez tous les comportements imaginables; ajoutez à cela les adaptations rendues possibles et répondant aux adaptations du génotype/phénotype - qui transforment les Formes qui "encadrent" les comportements - dans les proportions suivantes, du Darwinisme pur et dur:
p. 385-386: "Le génotype fixe les limites à l'intérieur desquelles le phénotype [...] peut être changé par modification."
"La modification est omniprésente."
"Ces modifications [...] sont certes déclenchées par des effets extérieurs mais elles correspondent à un programme d'origine phylogénétique inscrit dans l'organisme et prévu dans le génome pour chacune des modifications environnementales concernées."
Ces adaptations des comportements peuvent aussi être catégorisées:
. Le rodage: le fonctionnement améliore la fonction...
. La sensibilisation: la répétition rapide de stimuli augmente l'intensité de la réponse. Exemple: la feeding-frenzie des requins.
. L'habituation: diminution de la réponse par répétition prolongée de l'exposition au stimulus.
. L'association: causée par l'exposition simultanée et répétée à des stimuli réellement liés ou non ( causalité réelle ou supposée ).
. L'accoutumance: un stimulus perd son pouvoir déclencheur s'il n'est plus associés aux autres stimuli à l'origine du comportement.

Voilà, on a les trois dimensions, les trois composantes des comportements, le "X", le "Y" et le "Z" de l'éthologie. 
La relation entre "formes des corps" et "formes des comportements" infuse toute la réflexion de Lorenz sans pour autant aller aussi loin que je l'ai fait avec la T.F., puisqu'il est un défenseur acharné de l'instinct, dont il est persuadé qu'il se niche dans les gènes - ce dont la plupart des généticiens doutent aujourd'hui - à tel point qu'il écrit, p.481, à propos de l'apprentissage latent des behavioristes: "on ferait beaucoup mieux de parler de savoir latent."
Pour expliquer le succès de la forme "humaine": les comportements de curiosité, volontaires et "objectifs" des animaux supérieurs résultent de programmes phylogénétiques plus ouverts et moins sélectifs, résultant en des formes corporelles moins marquées, plus polyvalentes.
p. 482: "C'est pourquoi les êtres de curiosité sont toujours du point de vue morphologique des représentants "moyens" du groupe taxonomique dont ils sont issus."
Comme les rats ou les chiens, nous sommes des spécialistes de la non-spécialisation.

Et pour finir, un "signe" de ma convergence de pensée avec ce type: je jure que je ne l'ai lu qu'après avoir pondu mon idée du Pilote et du Capitaine dans la Théorie de l'Esprit:
p. 356 à 365: " L'homme comme l'animal est pareil à un vaisseau conduit par de nombreux capitaines", "...navigateur...", "...transatlantique..."ou "...salle des machines..."
et enfin, p.366: " Dans le vaisseau humain [...] tous les chefs restent en même temps sur le pont et donnent leurs ordres [...] (ce) qui, du fait de divergences d'opinions, interdit parfois tout commandement censé du navire"...
De la pure T.F. : les mêmes questions conduisent aux mêmes idées par les mêmes images mentales, les mêmes Formes/Images.

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