vendredi 3 mars 2017

THE FALL

Un peu de pop culture...
The Fall: série anglaise ( les ricains peuvent aller se rhabiller avec leur Dexter... pareil pour Queer as folks ou Shameless: les américains ont perdu en subtilité ce qu'ils ont gagné en spectaculaire.)
3 saisons de 5 et/ou 6 épisodes d'une quarantaine de minutes. Court mais intense...
La commissaire divisionnaire Stella Gibson 

( sublime Gillian Anderson ex agent Scully ) est dépêchée de Londres à Belfast pour enquêter sur des meurtres sexuels ( sur des femmes, rien n'est jamais parfait...) commis par le bien à l'Ouest Paul Spector qui trompe son monde en jouant au psychologue spécialiste du post-traumatique/deuil (excellente, celle-là..) et au bon père de famille.


C'est bien documenté, subtil et "honnête" vis à vis de tous les personnages, le mécanisme de propagation/reproduction/transmission de la violence est rendu dans toute sa froideur mais sans occulter les conséquences humaines et la souffrance qui l'accompagnent, chez ceux qui la subissent et ceux qui la "produisent". 
La description de ce que "fait" le Prédateur et de" à quoi il pense" est aussi quasiment clinique ( y'à du vécu quelque part là dessous, et des gens qui le comprennent et savent lui rendre justice - au vécusans doute bien mieux que moi ) et presque rien n'est épargné au pauvre spectateur qui voulait juste se changer les idées après sa journée au bureau et se retrouve plongé dans l'esprit d'un type glaçant qui pratique l'auto-bondage et l'asphyxie érotique, se soulage dans des cahiers manuscrits terrifiants, passe à l'acte de manière immonde et espère pourtant être un bon mari et papa!
On peut toutefois trouver des distractions bienvenues dans les intrigues secondaires liées au lieu ( l'Irlande du Nord, "violentogène" et hantée par les fantômes de la lutte armée et les abus sur mineurs dans les institutions religieuses ):
( celle-là est vraiment "private joke" )

Il y aussi le personnage de Stella/Gillian/Scully, mante-religieuse attirée alternativement par les hommes très mâles ou très "petits garçons" ( exemple ci-dessous, Colin Morgan, vu dans la série pas terrible Merlin, bon acteur ceci dit, comme tout le cast... )
qu'elle consomme sans états d'âmes au point d'en arriver en cliffhanger de saison 2 à se jeter dans les bras du tueur plutôt que de son amant/flic, les deux se trouvant dans une situation également dramatique ( j'évite les spoilers ):
regardez dans quel état ça la met alors qu'elle a pas versé une larme ( ou presque pas ) sur son amant de la première saison, abattu comme un chien dans une intrigue secondaire :

Son personnage est aussi hanté que tous les autres mais c'est une obsédée du contrôle et de la maîtrise de soi, et de l'auto-analyse ( bienvenue au club!): elle s'est entraînée à se réveiller au milieu de la nuit pour noter ses rêves et elle se réfugie ( ou peut-être qu'elle est juste "comme ça"...) dans une froideur d'iceberg "classe Titanic" et une philosophie "rentre dedans" que je ne peux qu'approuver totalement:

( bien sûr, je vois les choses du POV opposé, mais qu'est-ce que c'est bien envoyé - non - "formulé"...)


C'est une série exigeante dans sa neutralité, sans l'ombre d'un poil de jugement moral, et c'est pour ça qu'elle est à la fois difficile à regarder - je pense qu'on la verra jamais sur la une à la place des experts...- mais indispensable si comprendre pourquoi tout le monde n'est pas "normal" et vers quel genre de vie ça mène vous intéresse. ( Je comprend aussi qu'on ai pas envie de se vautrer là-dedans...)
Je voudrais pas vous décourager, c'est une série jouissive sur le plan intellectuel, et on se sent bien d'avoir réussi à " aller jusqu'au bout " sans perdre son humanité. 
Les histoires imbriquées ont toutes leur intérêt et alimentent l'action principale sans la parasiter, les acteurs/actrices sont tous au top et y'a une ambiance musicale tout en spleen mais "bien dans le sujet et dans le ton"...
Et puis c'est un mécanisme humain de base: le spectacle de la misère des autres nous fait nous sentir mieux.

Sauf en ce qui me concerne: j'ai vu la première saison en 2014 et j'étais au fond du trou... ( voir "ma vie en courbe"). Le sujet ( waaay too close to home... ) et le traitement sans concession m'ont à la fois presque achevé ( genre: "c'est sans espoir" ) et sauvé en me poussant à 1) tout envoyer chier et 2) avouer mon échec complet à être "meilleur" et autre chose que moi-même et demander de l'aide. Toujours deux côtés à la même Forme, toujours...
La résonance avec moi a été telle que je vais renommer la "crise d'épuisement" de mon graphique en "the Fall", comme celles de mes courbes à ce moment là...
Mettez les quelques images ci-dessous et la citation du commentaire que le tueur se fait à lui-même dans une de ses propres vidéos: "pourquoi tu regardes ça, pervers !?" en perspective avec ma page "BBs"...
( je les mets "en grand" pour bien faire ressentir l'intensité...)




( Mon premier gif!!!!
"Formellement", cette scène est nickel pour comprendre la notion de POV: effet de miroir, texture de la cagoule qui passe devant les "yeux" fictifs par dessus le miroir...

J''ai été presque "déçu" par le choix de Jamie Dornan comme Prédateur mais je dois reconnaître que ma première impression était injuste: il est parfait d'opacité et d'ambiguïté, son jeux rend parfaitement l'incertitude fondamentale du jugement des autres sur le personnage : est-ce qu'"il" ressent vraiment les émotions que sa façade de normalité suppose ( amour, compassion etc...) ou est-ce qu'il fait semblant et qu'il se comporte "comme les autres" seulement pour pouvoir durer plus longtemps et continuer à se faire du bien en faisant du mal aux autres ?
Par moment son regard est vraiment flippant de fixité et de vide, et pourtant tu peux y lire - mais trop tard - le déchaînement qui arrive: " rien  là dedans et pourtant ça va se jeter sur toi..."
Il m'a foutu les jetons, vraiment, et c'est un putain de compliment, de Prédateur "dans sa tête" à Prédateur "à l'écran"...
Preuve que c'est un bon acteur, il  paraît normal voir gentil "en vrai":

et même carrément sexy:

Et il a été choisi pour Cinquante nuances de Grey... ( le SM vu par les femmes, n'importe quoi...)

Ca se termine dans une apothéose de violence auto-destructrice ( dont quelques trucs qu'on est pas prêt de revoir dans d'autres séries, tant mieux pour les connaisseurs et tant pis pour les trouillards ) et, pour le coup, très peu libératrice. Deux perles de pensée en forme de citation qui justifient à elles-seules la vision de la série:
le tueur/Paul Spector ( à un des flics qui l'on arrêté ):
" J'ai eu l'occasion de goûter aux fantasmes et à l'action; le fantasme est bien plus piquant..."
Venant de quelqu'un qui a tué 3, non 4 puis 5 personnes ( 6 si on compte la fin ),plus au moins 3 agressions/tentatives de meurtres et un détournement de mineur... Il aurait du lire Lorenz: la fixation sur des fantasmes peut être si puissante qu'elle se suffit à elle-même...difficilement.

La flic/Stella Gibson ( à la mineure détournée par Spector et "hypnotisée" par lui ):
" Nous avons tous ces voix dans nos têtes qui nous disent à quel point nous sommes décevants, qui nous disent que nos efforts sont insignifiants... Qu'on est jamais à la hauteur, que c'est trop long et trop difficile. Mais quand les temps sont durs, il nous faut des rêves plus solides, plus pragmatiques. Pas des contes de fées, pas des illusions ( comme Paul )".


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